
La Responsabilité dans tous ses états
- 4 octobre 2013
130 salariés, frères et bénévoles des établissements Saint Jean de Dieu se sont retrouvés pour deux jours de réflexion autour de « La Responsabilité », les 2 et 3 octobre 2013 à Paris. Ces Journées hospitalières étaient organisées en lien avec les établissements des s?urs hospitalières du Sacré-C?ur.
Installés au sein du Centre médico-social Lecourbe de la Fondation Saint Jean de Dieu, les participants ont vécu deux jours intenses partagés entre l’écoute de conférenciers de qualité, le partage d’expériences et des réflexionssur l’une des 5 valeurs de la Fondation, la Responsabilité.
Après avoir analysé la responsabilité « dans tous ses états », les participants ont décortiqué cette valeur sous plusieurs angles : vue sous le prisme de la politique, du droit, du management, du charisme de Saint Jean de Dieu ou encore face à des situations précises telles que la précarité ou la privation de liberté.
Dominique Folscheid, philosophe, s’est notamment arrêté sur le fait que « la responsabilité nous embête et nous inquiète, et pourtant il faut l’assumer ». Soulignant le paradoxe d’une demande croissante de lois par des soignants qui souffrent de plus en plus d’un manque de liberté, il a insisté pour que notre responsabilité ne se limite pas à étudier les maladies, « mais à rencontrer des personnes qui souffrent ». Il a ainsi présenté l’être humain comme un « être de don », donc un être libre. « Cette même liberté qui m’oblige à assumer ma responsabilité : l’autre nous somme de répondre à son appel, or répondre à quelqu’un qui fait appel d’un pâtir, c’est assumer sa responsabilité plénière. »
Pour François Jegard, Commissaire aux comptes de la Fondation Saint Jean de Dieu, chacun de nos actes doit être emprunt de responsabilité non seulement vis-à-vis de la personne accueillie et de l’entreprise, mais plus largement, vis-à-vis de la société : économie, environnement, droits de l’homme, relations sociales dans le travail, etc. Autant de domaines dans lesquels les établissements Saint Jean de Dieu doivent se sentir responsables. « Quand on se dit Fondation, on se dit porteur de sens, a-t-il expliqué. On a donc aussi une responsabilité sociale propre qui nous incite à anticiper, à innover, à s’adapter. » Faisant le lien avec le discours social de l’Eglise catholique, François Jegard a finalement rappelé qu’il ne s’agit que de servir le bien commun en permettant à chacun des membres d’un groupe d’atteindre la perfection (bien être social, paix intérieure) et non pas de servir des intérêts individuels.
Jean-Guilhem Xerri, quant à lui, s’est arrêté quelques instants sur la responsabilité du soignant face à la précarité. Pour l’ancien président de l’association Aux captifs la libération, qui s’occupe de personnes sans-abri, « la souffrance nous transforme, modifie profondément l’image que nous avons de nous-mêmes, et l’image que les autres ont de nous. » Or, comment avoir la position la plus juste, la plus aidante, pour la personne que nous accompagnons comme pour nous-mêmes ? « Tout d’abord en acceptant mes limites, sans m’anéantir : reconnaître à un certain moment que l’on ne sait plus quoi faire. Il est important dans ces cas-là de savoir se tourner vers d’autres personnes pour partager, déposer nos doutes, sans toutefois se décourager. » Autre solution, solliciter ses sens et plus particulièrement l’écoute (« la souffrance ne peut pas être atteinte par la technique, mais au travers du silence qui conduit à l’écoute profonde »), le regard (« le sentiment que j’ai de ma dignité dépend beaucoup du regard de l’autre ») et le toucher (« le toucher a cette fonction de manifester notre présence, de contribuer à aider la personne à se réconcilier avec son corps »). Enfin, a-t-il conclu, « il est important de chercher la Vie dans la relation d’aide, pour l’autre comme pour soi. La personne qui vit la souffrance vit de manière plus ou moins consciente une expérience de mort. Se poser la question ‘qu’est-ce qui est encore vivant chez l’autre ?’, c’est reconnaître l’autre comme un sujet et non pas un objet de soin. »
Jean-Marie Delarue, conseiller d’?tat, actuellement contrôleur général des lieux de privation de liberté, est intervenu sur cette question de la privation de liberté. Déplorant une augmentation croissante de la pratique de « l’enfermement », que ce soit dans les prisons comme dans les EHPAD ou encore les unités psychiatriques, il a invité les participants à s’interroger sur cette tendance, « alors que l’état mental collectif n’a pas évolué au sein de la société. » « Il est facile de limiter la responsabilité à des questions interpersonnelles, a-t-il souligné, mais il faut rappeler que le sort des personnes dont nous avons la charge passe aussi par la manière dont ces personnes sont perçues dans la société. » Dont acte.
Chacune des conférences était suivie de débats, ainsi que de témoignages de collaborateurs sur leur manière de vivre la Responsabilité au sein de la Fondation Saint Jean de Dieu, sur leurs questionnements, ou encore sur des cas concrets.
« Cette notion de responsabilité, plus particulièrement dans le domaine de l’éthique, est primordiale dans des lieux de soin comme à Saint Jean de Dieu », a expliqué le professeur Gérard Lévy, à l’issue des travaux. Pour le doyen honoraire de la faculté de médecine de Caen, qui modérait certaines interventions, des rencontres comme celles des Journées hospitalières « permettent aux soignants de garder en vue que les malades dont ils ont la charge sont avant tout des personnes, pas des clients ou des consommateurs. Le malade ne se définit pas par sa maladie, mais par son histoire personnelle. Et c’est à partir de cette constatation que découlent toutes les responsabilités qui nous incombent face à la personne accueillie. La responsabilité, c’est finalement prendre soin du respect de la personne, comme l’ont rappelé en filigrane chacun des intervenants. »