Deux mois de mission à Madagascar

Denise Guillonneau a passé deux mois à la communauté Saint Jean de Dieu d’Antananarivo, pour aider les jeunes frères dans l’apprentissage du français. L’occasion de découvrir une communauté dévouée dans un contexte difficile, comme elle le souligne elle-même dans son compte-rendu de mission…

 

Mon séjour à Madagascar a été un peu le fruit du hasard. Frère Paul-Marie, soucieux des résultats aux futurs examens des novices, s’est ému des difficultés qu’ils rencontraient dans le maniement de notre langue. Il m’a contactée en octobre dernier, et j’ai répondu à l’appel à venir sur la Grande île pour aider des jeunes qui vont à leur tour aider des pauvres, des malades.

 

Je ne connaissais que très peu saint Jean de Dieu et son Ordre. Ce fut donc une découverte. Je me suis tout de suite sentie chez moi à mon arrivée à Antananarivo, au noviciat des frères de la rue Marohoho. L’accueil chaleureux de tous : frères, novices, vazahas, y a été pour quelque chose. Tout en attentions délicates, comme ce petit bouquet de fleurs qui m’attendait dans ma chambre.

 

Ma mission auprès des 6 novices a été de les aider à corriger leurs défauts de prononciation en français. La méthode utilisée, orale, est celle que j’appliquais quelques décades plus tôt en Afrique noire : elle consiste à revenir sans cesse sur une phrase, un mot, une syllabe jusqu’à une parfaite prononciation. Mais deux petits mois, c’est insuffisant pour avoir des résultats d’une méthode à appliquer sur un an ! Chaque mardi et jeudi, nous nous rendions à Imerintsiatosika, dans ce futur lieu d’accueil pour malades déficients mentaux afin d’y faire travailler les deux regardants, Michel et Marius, ainsi que Florent, le postulant.

 

A Madagascar, en matière de psychiatrie les besoins sont immenses : on n’y compte qu’un seul hôpital ! C’est dire l’importance de l’implantation de l’Odre à Imerintsiatosika, à quelques 25 km de la capitale. L’endroit est joli avec d’un côté des pins en forêts à tel point qu’on pourrait se croire en bord de mer, s’ils étaient maritimes. De l’autre, des rizières dont les parcelles semblent suspendues entre deux collines, comme des patchworks, étalant tous les verts de la gamme. De l’acidulé des jeunes pousses à celui vert bouteille,  en passant par les émeraudes pour aboutir au vert légèrement safrané des épis de riz mûrissants. Superbe ! La réalisation, encore en chantier, fait la fierté du maître d’ouvrage qui dit avoir voulu faire une ?uvre exemplaire dans un pays où l’à-peu-près est de mise. Pari gagné !

 

Ces deux mois ont passé très vite. D’autant que, chaque mercredi je suis allée au Centre NRJ pour enfants des rues des Spiritains, où le père Ephrem m’a demandé un peu de temps pour ces gamins défavorisés. J’ai pu approcher les conditions de vie effroyables de ceux que la crise a chassés dans la rue, et le dénuement des enfants des bidonvilles. Mais, à Tana, j’ai aussi vu des choses magnifiques, des ?uvres conduites par des gens extraordinaires. J’ai vu les Amis de Saint Jean de Dieu, ce groupe de personnes, impactées par l’Evangile, qui se dévouent pour les démunis, autour de Frère Jean-Guillaume, ou s’activent à l’atelier où les dames confectionnent de si jolies choses, à vendre au profit des plus pauvres.

 

J’ai vu des hommes et des femmes, religieux ou laïcs, qui consacrent leur vie à ces pauvres. Que ce soient les frères de l’Ordre, ou le Père Ephrem des enfants des rues, les moniteurs et assistantes sociales dans les bidonvilles, ou bien Michel et Haziza accueillant des enfants dans leur jolie maison encerclée par les ordures du bidonville. Oui, tous sont admirables. J’ai vu des couples, jeunes ou vieux, qui donnent de leur temps et de leur savoir, pour d’autres. J’ai aussi vu des malgaches, femmes et hommes qui déplacent les montagnes à leur façon, les creusent, les cassent, les revendent en cailloux pour en vivre dignement. Et souvent, je me disais en voyant à chaque fois des enfants armés de crochets sur les décharges fumantes : “Qu’aurait-il fait, Jean de Dieu ?”

 

Avant mon départ, les frères m’ont remis une jolie statuette de leur fondateur portant un homme sur son dos. En la regardant, je pense chaque fois à la foi profonde d’un Bénéga, d’un Jean-Guillaume ou d’un Jean-Marie. Accompagnés de Bernard et Mathieu, ces frères portent l’espoir et la parole par l’exemple dans ce pays, au service des plus démunis, guidés par le charisme de saint Jean de Dieu.