La Grande Guerre des établissements Saint Jean de Dieu

Si 66 frères de la Province de France ont été mobilisés lors de la Première Guerre Mondiale, les 194 autres, trop âgés ou bien réformés, ne sont pas restés inactifs, bien au contraire ! A l’occasion de l’anniversaire de l’Armistice, retour sur l’histoire par Marie Rablat, archiviste de la province.

 

Dès le début du conflit, les Frères de saint Jean de Dieu ont proposé spontanément leurs différents établissements pour accueillir des ambulances militaires et ont apporté leur concours en soignant les soldats malades et blessés rapatriés du Front. Attardons-nous sur le cas de l’Accueil de nuit de Marseille et de l’hôpital psychiatrique de Dinan, qui, chacun à sa manière, participa au soutien des militaires et des civils pendant le conflit.

 

A Marseille, la mobilisation avait vidé l’Accueil de nuit de la majorité de ses hébergés, devenus soldats. Les frères ont alors mis leur établissement à la disposition de la Préfecture pour qu’il soit utilisé comme hôpital auxiliaire annexe. Dans cet hôpital de 153 lits, les trois frères de la communauté ?uvrèrent à partir d’octobre 1914 au soin des malades et des blessés, de concours avec les s?urs salésiennes de Dom Bosco qui avaient été agréées comme infirmières par le service de Santé. En 5 ans, 6209 soldats y ont été soignés et notamment un grand nombre de soldats d’Outremer car, nous raconte le supérieur de la communauté, ils avaient tous les pieds gelés.

 

A Dinan, la participation des frères au conflit a été tout autre. Lorsque la guerre éclata, l’hôpital accueillait alors plus de 800 malades psychiatriques, mais la mobilisation le vida rapidement d’une grande partie ses employés ainsi que des religieux qui y ?uvraient. Fort heureusement, arrivèrent à Dinan de nombreux réfugiés qui remplacèrent ce personnel manquant et permirent à l’établissement de fonctionner pendant la durée de la guerre.

 

A cette époque, les soldats malades et blessés affluaient et remplissaient les ambulances. Leur linge avait besoin d’être lavé et désinfecté : l’hôpital saint Jean de Dieu s’en chargea. De même, le vestiaire de l’établissement fut mis largement à contribution, ainsi que le jardin et la basse-cour pour les nourrir. La mobilisation d’une grande partie des hommes de la région causa également d’autres difficultés majeures dans les campagnes entourant l’hôpital : les fermes manquaient de bras pour s’occuper des cultures. Les frères n’hésitèrent pas à leur venir en aide. C’est ainsi que le Frère Joachim, responsable de la ferme de l’hôpital et fils de cultivateur de la région, tout en prêtant son concours aux ambulances, aida au ravitaillement de la population environnante en transportant du blé, de la farine, du pain, du bois ou encore du charbon et, à la tête de son équipe de malades-travailleurs et de ses machines agricoles, il fit le tour des fermes pour labourer et ensemencer les terres de ceux qui combattaient sur le Front, ou pour moissonner et battre leurs récoltes.

 

A la fin de la guerre, les religieux ont été remerciés par le Ministre de la Guerre mais ce conflit mondial a bien failli causer la fermeture définitive d’un établissement : l’Accueil de Nuit de Marseille. En effet, l’hôpital militaire y avait si bien fonctionné que les frères ont eu toutes les peines du monde à se faire restituer les locaux par les services de santé une fois la paix revenue. C’est alors que le Frère Elisée Coriou, n’y tenant plus, décida contre l’avis de tous, de rouvrir de force les portes de l’établissement aux sans-abri en 1919 : « accueillons d’abord, on verra ensuite ! » et aujourd’hui, un siècle plus tard, son ?uvre se poursuit.