
Un vrai miracle !
- 15 décembre 2015
A l’occasion d’un voyage en Europe, Frère Florent Priuli, Frère hospitalier et chirurgien, a accepté de se poser quelques instants pour nous donner des nouvelles des hôpitaux Saint Jean de Dieu d’Afagnan et Tanguiéta. Rencontre’
Frère Florent, quel est l’objet de votre passage en France ?
Je suis en France pour mon ‘pèlerinage’ annuel à la rencontre de tous nos bienfaiteurs qu’ils soient financiers, spirituels, bénévoles ou volontaires ! J’aime bien pouvoir venir les voir une fois par an pour les tenir au courant de la vie de nos hôpitaux du Togo et du Bénin, les remercier et leur parler de nos nouveaux projets. Chaque année, ce sont environ plus de 500.000 Euros surtout en factures de consommables médicaux, de médicaments et d’équipements qui sont collectés et envoyés pour nous aider à faire vivre nos établissements d’Afagnan et Tanguiéta, sans compter les dizaines de missions humanitaires de spécialistes bénévoles qui apportent compétences, formation et matériel !
Quels sont vos projets en cours ?
Nous en avons beaucoup ! A Tanguiéta, nous sommes en train de terminer la construction d’un laboratoire d’anatomie pathologique en télémédecine. Nous avons formé pour cela un frère biologiste, Frère Parfait, qui va s’en occuper dès janvier. Il pourra ainsi faire toute la préparation des échantillons pathologiques sur place puis la lecture et l’interprétation pourront être faites en télémédecine par des spécialistes en Europe. Cinq laboratoires se sont déjà déclarés disponibles pour le faire à distance gratuitement.
Nous avons un autre projet qui est de construire un bâtiment spécial pour les malades contagieux. Trop souvent nous sommes obligés de mélanger par exemple des tuberculeux ou des cas de méningite, très présente dans notre région, à côté de malades en très mauvaises conditions et donc avec grand risque de contagion.
Nous avons également le projet de construire une troisième salle opératoire qui sera consacrée aux interventions chirurgicales exigeant une extrême stérilité (orthopédie, neurochirurgie etc). Nous ne serons ainsi plus obligés de stopper le quotidien pour ces missions, ce qui peut parfois créer des tensions entre les malades. Certains attendent deux ou trois mois avant de trouver un lit et ils voient passer devant eux un patient qui vient d’arriver, tout simplement parce qu’il est lié à la mission du spécialiste qui n’est là que pour quelques jours ! Avec cette salle supplémentaire, le reste du bloc sera toujours disponible.
Et puis enfin, il ne faut pas oublier que l’hôpital de Tanguiéta aura bientôt 50 ans, en 2020, et que les services vont avoir besoin d’être rénovés, les uns après les autres’
Comment trouvez-vous les financements nécessaires à tous ces projets, sans compter le fonctionnement quotidien de l’hôpital ?
Je dois avouer que c’est dur d’être toujours à la recherche d’argent’ Au Bénin, un important effort est fait et budgétisé par le gouvernement, mais loin de couvrir le déficit lié au grand nombre des indigents qui affluent de partout en urgence. Les gouvernements reconnaissent que les deux hôpitaux rendent un service de bon niveau à un coût modique et cela 24h/24. Il faut dire que nous sommes les moins chers, avec une proposition de soins de qualité. Des malades font parfois jusqu’à 1000 kilomètres pour venir se faire soigner chez nous et certains attendent 2 ou 3 mois avant d’obtenir un lit ! Chaque année, ce sont plus de 17.000 nouveaux malades qui passent par l’hôpital de Tanguiéta. Il nous faut donc trouver l’argent nécessaire pour adapter les lieux à une demande toujours plus forte. En chirurgie, par exemple, nous avons réduit la durée des hospitalisations pour diminuer les coûts et augmenter la capacité du bloc opératoire, où l’on arrive à faire parfois jusqu’à 25 opérations par jour. Pour ne pas laisser partir les patients dans la nature sans soin, nous avons dû construire, à côté de l’hôpital, un campement avec plus de 30 chambres à deux et trois lits, pour les accueillir après leur opération. Dans ce campement un dispensaire assure les pansements et injections durant la phase pré et post opératoire.
Nous recevons aussi des aides importantes d’associations européennes, notamment des Amis d’Afagnan et Tanguiéta en France. Enfin, nous développons de plus en plus l’ozonothérapie et la phytothérapie, des pratiques très efficaces qui sont de plus en plus demandées. Pour cela, nous avons une ferme qui nous permet de cultiver nous-mêmes nos plantes. Et nous avons ouvert, il y a deux ans, un centre de soins à Cotonou, spécialisé dans ces thérapies. Une semaine après son ouverture, ce centre était déjà débordé ! Cela nous aide un peu à l’autofinancement…
Les missions humanitaires venant d’Europe sont d’une grande aide pour nous. De nombreux partenariats avec des associations et le soutien de médecins comme le Dr Emmanuel Racy, de la Clinique Saint Jean de Dieu à Paris, nous aident beaucoup. Ces derniers jours, un médecin français vient de conclure un partenariat avec une maison d’instruments chirurgicaux pour une valeur de 74.000 euros par an sur trois ans. Cela permet de pratiquer des interventions que nos malades ne pourraient pas se payer.
Et du côté des frères, vous avez beaucoup de vocations ?
Oui mais elles ont malheureusement tendance à diminuer. Néanmoins, nous sommes une bonne cinquantaine de frères Béninois et Togolais dont une vingtaine à Afagnan, où se trouve notre école d’infirmiers qui forme les frères après le scolasticat ; onze frères à Tanguiéta, quatre à Porga et deux à Agoé-Nyivé (Lomé). Et puis il y en a huit autres qui se forment ailleurs, soit en médecine, soit pour se spécialiser. Trois de nos frères sont par ailleurs partis au Liberia, en Sierra Leone et au Cameroun pour soutenir les communautés locales qui ont été décimées par Ebola.
Nous n’aurons jamais assez de vocations pour répondre aux besoins immenses ! Une multitude de demandes nous parviennent continuellement, pour construire ou reprendre des hôpitaux, mais nous n’avons pas les ressources humaines et financières nécessaires pour cela’ Heureusement que nous avons le soutien de tous ces volontaires européens. C’est une énorme richesse d’avoir tous ces gens qui s’adaptent à notre vie et qui se font proches de nos préoccupations, de manière très discrète. Certains reviennent fidèlement chaque année, parfois depuis plus de 15 ans. Un vrai miracle !
Un dernier message avant de repartir en Afrique passer Noël avec vos Frères ?
Je veux me faire la voix de tant de bénéficiaires, particulièrement les malades, mais aussi leurs proches et notre personnel, pour dire un merci sincère à tous ceux qui se dévouent d’une façon ou d’une autre pour nos missions. Un grand merci aussi à tous ceux qui prient pour nous. Je suis profondément convaincu, et je l’ai touché de mes doigts, que ce que l’on fait, c’est l’?uvre de la Providence qui est sollicitée par notre prière. Que Dieu accorde à tous une belle fête de Noël, fête de la plus grande manifestation de l’amour de Dieu pour les hommes.
Le Dr Jean Vergès, fondateur des Amis d’Afagnan et Tanguiéta, Frère Florent et Frère Alain-Samuel, provincial de France