Jean-Pierre, volontaire en Inde et aux Philippines

Salarié du Centre médico-social Lecourbe – Fondation Saint Jean de Dieu, Jean-Pierre a décidé de prendre un congé sabbatique de 12 mois, notamment pour partir servir, comme éducateur spécialisé, dans d’autres établissements Saint Jean de Dieu en Inde et aux Philippines, à la découverte de réalités différentes. Rencontre entre deux voyages…

Jean-Pierre, vous rentrez de 3 mois passés en Inde, au service d’enfants handicapés mentaux. Comment s’est déroulée la mission ?
Durant ces trois mois passés dans le sud de l’ Inde, j’ai participé aux activités du centre Saint Jean de Dieu de Velloor. Ce lieu, situé à environ 100 kilomètes au sud de Cochin dans le Kerala, accueille des jeunes et des adultes en situation de handicap. Ceux-ci sont de tout type : physique, mental, comportemental et polyhandicap. Dans le Kerala et au sein du centre, on ne parle pas de personnes en situation de handicap, mais de personnes différemment capables. J’aime beaucoup cette notion ! Le centre, situé à la campagne, est une grosse structure avec environ 180 résidents dont un grand nombre en internat complet 7 jours sur 7, sauf durant les vacances scolaires, et répartis dans 7 maisons différentes.

Sur le même lieu, il y a aussi une école primaire, un espace occupationnel post-scolaire, une école de formation aux métiers du social (éducateurs et moniteurs) avec une trentaine d’étudiants et bien sûr les communautés des Frères hospitaliers et des S?urs de Saint Jean de Dieu. Les résidents, âgés de 4 à 65 ans, sont majoritairement des hommes, mais il y a aussi une maison d’hébergement pour les filles. A titre personnel, j’étais hébergé dans une des maisons avec une petite chambre à coté de celles des résidents adultes et l’ensemble des repas étaient pris avec les Frères dans leur maison.

Quel meilleur souvenir gardez-vous de cette expérience ?
Difficile de répondre à cette question car il y en a plein ! Je retiendrais l’accueil à l’aéroport de Cochin le premier jour, l’impression très agréable d’être attendu et de pouvoir être pris en charge ; les moments de complicité avec les professeurs de l’école qui m’apportaient des friandises lors des pauses thé-au-lait-sucré du matin ; les rires et les moments de partage et de connivence, surpassant les problèmes de langue, de couleur de peau, d’origine et d’âge avec certains jeunes de l’école primaire ; les parties de foot et de volley les fins d’après-midi avec les grands et les jeunes frères en formation ; la participation à deux mariages suite à des invitations de membres du personnel du centre ; et bien sûr, les différentes visites que j’ai effectuées dans les deux Etats du sud de l’Inde avec des Indiens toujours gentils, prévenants, agréables et tellement surprenants !

Et je ne vous cache pas qu’il y a eu aussi quelques moments plus difficiles, comme l’énervement provoqué par les problèmes de connexion internet, même pour quelqu’un comme moi qui se veut “non -accro” ! Ou encore, d’un point de vue éducatif, des moments d’incompréhension et de surprise par rapport aux activités et aux ateliers proposés et aussi parfois par rapport à leur absence. Il faut dire que la notion éducative est très subjective, culturelle et vient de fait après les réponses face aux besoins de logement, de sécurité, de nourriture et de soins. Ceux-ci, dans un centre où vivent environ 250 personnes et géré avec des moyens très limités, prennent beaucoup d’importance et d’énergie.

Dans quel état d’esprit retrouvez-vous la réalité française ?
Heureux de revenir en France et de revoir ma famille et mes amis, même si mon retour a été avancé de quelques jours suite au décès de ma mère lorsque j’étais en Inde. Difficile aussi après trois mois dans ce pays chaud, coloré, étrange et avec un certain climat d’insouciance, de se retrouver plongé dans l’ambiance post-attentats de Paris. J’ai trouvé comme d’habitude mes concitoyens critiques et facilement négatifs, mais en plus avec une dose de fatalisme, de résignation et de peur du lendemain. Même ma fille, qui a 23 ans, semblait préoccupée, tendue, soucieuse, consternée et en même temps à la recherche d’idées et de postulats nouveaux et novateurs.

Connaissant Saint Jean de Dieu en France, comment voyez-vous les différences/similitudes entre les deux réalités ?
J’ai trouvé à Velloor, comme en France au Centre Lecourbe, le même partage de valeurs et le même engagement de la part des professionnels en contact avec les résidents. Qualité, respect, hospitalité, pour n’en citer que trois sur cinq, sont vraiment des valeurs “ciment” facilement transmissibles et pluri-culturelles. D’un point de vue éducatif, comme mentionné auparavant, il y a toute une pyramide de besoins incontournables à assumer. De fait, en fonction des moyens financiers et humains, cet aspect n’est pas pris en compte de la même façon entre ces deux réalités indienne et française. L’état indien ne reverse pas de prix de journée. Les moyens, il faut les trouver.

Au niveau religieux, j’ai découvert une ambiance que je ne connaissais pas. A Velloor, j’ai vécu au sein de la communauté des frères avec de nombreux temps de messes, de bénédictions, de prières. De plus, la spiritualité en Inde étant quelque chose d’important et d’omniprésent, cela a constitué pour moi une expérience surprenante et questionnante.

Maintenant vous repartez pour les Philippines, toujours avec Saint Jean de Dieu. Heureux de repartir ?
Oui bien sûr. Je suis toujours intéressé pour aller découvrir et rencontrer d’autres personnes, d’autres cultures, d’autres façons de penser et de travailler. Par contre j’ai aussi appris que cela n’est pas toujours facile de trouver la juste place dans ce genre d’expérience et que parfois cela entraîne de grands moments de solitude et de questionnement. De même, je suis conscient qu’un second départ pour trois mois est difficile pour ma famille et mon épouse.

Comment diriez-vous que cette expérience vous aidera par la suite ?
Une fois back to reality, je serai sans doute davantage capable de répondre à cette question ! Cependant je pense qu’ici en France, beaucoup de choses superflues, matérielles et inutiles nous polluent l’esprit. Je pense avoir compris qu’il faut se concentrer sur ce qui est important et qui donne de la satisfaction, du bien-être, de l’amour aux autres et donc aussi à soi. Apprendre à donner, à écouter, à accueillir, à recevoir, à ne pas juger par ignorance, à générer du positif, à prendre son temps, à accepter de changer, à ne rien faire, à faire du mieux possible, à assumer, à réfléchir, à croire, à rêver…