Souvenirs martiniquais des Frères de Saint Jean de Dieu 1/2

Dès le XVIIe siècle, les Frères de Saint Jean de Dieu ont embarqué sur les navires royaux pour ouvrir des hôpitaux aux Antilles. En Martinique, ils ont laissé deux petits souvenirs de leur passage… plutôt inattendus ! Le premier est l’oeuvre du Frère Cléophas.

Infirmier, option architecture

Nos religieux avaient plus d’une corde à leur arc et savaient faire preuve de polyvalence pour servir leur prochain ! C’est le cas du Frère Cléophas, arrivé au milieu du XVIIIe siècle à la communauté de Fort-Saint-Pierre. Comme tout bon frère de saint Jean de Dieu, il avait été formé aux soins à donner aux malades, mais il avait aussi appris l’architecture « sur le tas ». En effet, faute de moyens suffisants pour confier ce travail à un professionnel, il avait supervisé des travaux de construction dans plusieurs maisons. Cependant, en apprenant, on fait inévitablement des erreurs : la chapelle qu’il avait construite à Château-Thierry par exemple, s’était écroulée seulement quelques années plus tard et avait dû être reconstruite !

Du pont de bois au pont de pierre

Le Pont Roche sur la rivière Roxelane à Saint-Pierre de la Martinique en 1900, avec parapets et plaque de marbre centrale.
(Wikimedia Commons)

Mais arrivé en Martinique, Frère Cléophas avait déjà une certaine expérience qu’il allait mettre à profit. À l’époque, il n’existait à Fort-Saint-Pierre qu’un seul accès pour franchir la rivière Roxelane : un pont de bois déjà centenaire. Sous l’impulsion du Frère Cléophas, les habitants construisent donc un nouveau pont, un solide pont de pierre, terminé en 1766. Connu sous le nom de Pont Roche, il portait l’inscription suivante sur une plaque de marbre : « Lan MDCCLXVI du règne de Louis XV, ce pont a été construit sous le généralat du comte d’Ennery et Intendance du président Thomassin de Peynier par les soins et sous la direction du frère Cléophas Danton, religieux de la Charité, qui a rendu ce service au public aux dépens des paroisses du Fort, du Mouillage et du Tricheur ».

Inébranlable !

Le Pont Roche et le quartier du Fort après l’éruption de la montagne Pelée du 8 mai 1902
(Wikimedia Commons)

Ce pont a eu un très bel avenir puisqu’il a facilité grandement l’extension de la ville le long du rivage vers le Sud. Force est de constater que Frère Cléophas avait fait beaucoup de progrès depuis l’époque de Château-Thierry. Pour être solide, ce nouveau pont était solide ! A tel point qu’en 1902 il a résisté à l’éruption de la Montagne Pelée qui a pourtant détruit toute la ville et ses alentours. Seuls les parapets et la plaque de marbre ont été emportés.

Toujours debout, il est aujourd’hui le plus vieux pont de Martinique et inscrit à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques : belle revanche pour notre architecte amateur !