
Aux débuts de la restauration de la province de France, les Frères de Saint Jean de Dieu ont été sauvés de justesse par un événement miraculeux, représenté sur le portrait de Frère Jean de Dieu de Magallon.

Sur ce tableau, le restaurateur de l’Ordre en France est représenté une lettre à la main portant l’étrange inscription « A Madame la Supérieure Générale de la Communauté de St Jean de Dieu à Lyon » et assis devant une statue de la Vierge. Cette composition mérite quelques explications.
Une première fondation bien coûteuse
Revenons en 1824 : Paul de Magallon, devenu Frère Jean de Dieu, a prononcé ses vœux à Rome l’année précédente et décide d’implanter son premier grand hôpital psychiatrique à Lyon. Il achète donc le château à Champagneux, au prix de 98 000 francs.
Rassembler une telle somme allait prendre beaucoup de temps, il le savait, car les seules ressources des frères à l’époque provenaient des quêtes et des dons de leurs bienfaiteurs. Le Père de Magallon négocie alors avec le propriétaire qui accepte d’étaler le paiement sur neuf ans, à raison de 10 000 francs par an. L’hôpital peut alors ouvrir ses portes et accueillir les malades mentaux de la région lyonnaise.
Cependant, les frères n’avait pas prévu une telle affluence. Le nombre de malades augmentant beaucoup plus rapidement que les ressources, le Père de Magallon se voit dans l’impossibilité, la première année écoulée, d’effectuer le versement. Ainsi, l’année suivante ce n’est plus 10 000 mais 20 000 francs qui lui sont réclamés, sous peine d’expropriation. Or il ne disposait en caisse que de 4 000 francs. Que faire ?
La Vierge appelée au secours

Les jours passent, sans qu’il ne trouve de solution pour rassembler les 16 000 francs manquants, jusqu’au jour où un jeune frère reçoit 200 francs de sa famille. Cette somme étant trop maigre pour être utile au remboursement de la dette, le Père de Magallon propose à la communauté d’acheter une statue de la Sainte Vierge et de placer sous sa protection la Maison de Lyon et toute la Province. La proposition est accueillie avec enthousiasme. Une Vierge à l’Enfant en bois peint est donc achetée à un antiquaire de la ville pour être placée dans une niche juste au-dessus de l’entrée principale de l’hôpital.
Le 19 novembre 1826, fête du patronage de la Sainte Vierge, toute la communauté et les malades valides se rassemblent au pied de la statue. Le Père de Magallon, Provincial, assisté du Père Xavier Gauzi, Prieur de Lyon, consacre alors l’hôpital, les œuvres et les personnes à la Vierge qu’il proclame « Supérieure Générale de la maison et de toute la Province ».
Un vrai miracle !
Les effets de cette consécration ne se font pas attendre ! Dès le lendemain, le Père de Magallon est convoqué au bureau des Postes : un pli est arrivé pour « Madame la Supérieure Générale de la communauté de Saint Jean de Dieu à Lyon ». Pour le religieux, c’est une évidence : cette lettre est adressée à la Sainte Vierge. Elle contient 10 000 francs envoyés par deux bienfaitrices parisiennes. Et dans les jours qui suivent, un autre pli
contenant 6 000 francs arrive de Lille. La somme exacte est donc réunie juste à temps pour sauver la maison de Lyon de l’expropriation. Le Père de Magallon conservera un souvenir très fort de cet événement qu’il ne se lassera pas de raconter.

Il a ensuite fondé bien d’autres maisons. Il a été Provincial, Prieur, Assistant Général à Rome. Toutefois à la fin de sa vie, il est revenu à Lyon, auprès de cette Vierge à laquelle il était si attaché. Il s’y est éteint le 14 juillet 1859 et repose aujourd’hui dans la chapelle de la dernière Maison qu’il a fondée : l’EHPAD Saint Barthélemy de la Fondation Saint Jean de Dieu.
Quant à la statue de la Vierge, elle a aujourd’hui perdu ses belles couleurs et son séjour d’un siècle et demi en extérieur lui a creusé de nombreuses rides, mais les frères la conservent précieusement, mesurant bien ce qu’ils lui doivent.