LIEN HOSPITALIER #407

LIEN HOSPITALIER #407

  • 23 juin 2020

Spécial crise sanitaire covid-19

Comment les établissements Saint Jean de Dieu ont-ils fait face à la crise sanitaire ? Quelles initiatives solidaires ont été mises en oeuvre ? Comment les résidents ont vécu la situation ? Quelles paroles d’encouragement de la part du Supérieur général de l’Ordre Hospitalier de Saint Jean de Dieu ? Quel accompagnement spirituel a pu être prodigué par les Frères hospitaliers aux personnes accueillies dans les établissements ?

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4 questions à… Portrait complet de Dominique Soupe

Responsable du Bureau des missions, Dominique Soupe compte plus de quarante années au service de l’Ordre Hospitalier de Saint Jean de Dieu. A la veille de son départ à la retraite, il revient sur son parcours riche d’expériences.

Cela fait plus de 40 ans que vous faites partie de la Famille hospitalière, pourriez-vous revenir sur votre parcours ?

Mon lien avec l’Ordre a commencé à l’adolescence, période où on s’interroge sur soi, son avenir, sa place dans l’Eglise et dans la société.  

Je suis originaire de l’île Maurice et je suis né à Pamplemousses, à quelques kilomètres de l’hospice de Saint Jean de Dieu. Ma première rencontre avec les Frères s’est faite à l’île Rodrigues dans l’Océan Indien, fin des années 70 ; j’y ai été accueilli par le Frère Gérard Christlen.

Durant cette période, je suis à la recherche de ma vocation et je participe aux temps de bénévolat de service d’assistance et d’animation avec d’autres jeunes, qui sont organisés à l’hospice pour personnes âgées durant les week-ends et les vacances. Frère Olivier était le responsable des jeunes. Des sessions de formations communes sont proposées par le diocèse de l’île Maurice auxquelles je participe. C’est à ce moment que j’ai connu Frère Mathieu. J’ai également pu participer aux stages de découverte avec d’autres regardants dans l’établissement St Jean de Dieu de l’île de la Réunion.

A la sortie de l’adolescence, j’entre dans le monde du travail et je fais le choix de l’accompagnement social. J’ai eu l’occasion de participer à quelques projets de développement communautaire. Le plus marquant a été le projet du Centre d’Accueil de Terre-Rouge, décrit comme pionnier de la réhabilitation des toxicomanes à l’île Maurice sous la responsabilité de l’Evêque d’alors, Mgr Jean Margéot.

Formé en leadership social et en développement communautaire à l’île Maurice, je suis engagé comme éducateur à l’Action Familiale (organisme diocésain) auprès des jeunes. L’objectif était d’apporter aux jeunes de Maurice une formation visant un développement humain intégral. Frère Gérard Christlen que j’avais connu à Rodrigues faisait partie de l’équipe des formateurs des éducateurs de l’Action Familiale.

Après une première expérience dans le monde du travail et souhaitant vivre ensuite une autre forme d’engagement ecclésial et social, je pars découvrir l’Afrique au début de 1980.

Après la lecture d’un livre « Au cœur des masses » de René Voillaume, je me suis intéressé à l’insertion des compagnons de ce dernier à la suite du Père Charles de Foucauld dans les quartiers populaires. Ils tentent de partager la vie des gens simples par le travail, le logement, des relations d’amitié, l’engagement dans la vie associative.  Je décide alors de partir au Rwanda découvrir les Petits Frères de Charles de Foucauld. Commence alors une expérience de vie communautaire, de formation religieuse et humaine ainsi que des études de philosophie et de théologie au sein de la Fraternité des Petits Frères en Tanzanie, en France à Saint Maximin, Marseille, Aubagne, Lille et à Fribourg en Suisse.

Je garde de cette expérience à travers les insertions et les relations que j’ai eues, un chemin de vraies rencontres des personnes telles qu’elles sont, aimées de Dieu, et un chemin de vraie rencontre du « visage humain de Dieu » manifesté en Jésus de Nazareth. Cette expérience durera jusqu’en 1990, où je retrouve l’Ordre Hospitalier à Paris : un retour aux sources en quelque sorte !

Après une période de travail saisonnier en région Parisienne dans une colonie de vacances pour des jeunes « autrement capables » des Frères de Saint Jean de Dieu, je découvre le monde des myopathes, des IMC et autres jeunes en situation de divers handicaps. Ces retrouvailles avec les Frères Hospitaliers débouchent sur un emploi comme animateur socio-éducatif. J’y ai donc intégré l’équipe éducative du Centre de la rue Lecourbe et j’y ai mené en parallèle une formation dans le domaine des sciences sociales à l’Université Paris 3, Sorbonne Nouvelle. C’est également pendant cette période que j’ai rencontré mon épouse qui était également salariée de l’établissement.

En septembre 1998, une proposition de rejoindre l’équipe éducative de Saint Jean de Dieu de l’île de la Réunion m’est offerte. J’ai donc rejoint le site de Saint François, lieu que je connaissais déjà. Quant à mon épouse, elle intègre l’équipe administrative et éducative du C.A.T de Saint Denis.

Après deux années à l’île de la Réunion, au mois de septembre 2000, j’ai été amené à prendre la responsabilité d’une nouvelle unité de formation en Publication assistée par ordinateur (P.A.O) pour jeunes adultes autrement capables à Bruyères le Châtel, dans l’Essonne, dans l’annexe du Centre Lecourbe. Ce bout d’histoire durera 5 ans. En février 2005, les Tutelles ont décidé que nous devions fermer l’annexe. C’est donc un retour à Paris rue Lecourbe.

En novembre 2005, une nouvelle opportunité m’est offerte de remplacer le responsable du bulletin de l’Ordre Hospitalier (Lien Hospitalier) en arrêt de longue maladie à la Curie Provinciale qui était alors située rue Oudinot, Paris 7ème, jusqu’à l’arrivée d’un nouveau responsable de communication.

Depuis 2011, j’ai la responsabilité du Bureau des Missions et de la Coopération Internationale de l’Ordre Hospitalier de la Province.

Quels ont été les temps forts de vos missions au sein de l’Ordre hospitalier ?

  • L’Organisation du pèlerinage inter provincial (Angleterre – Irlande – France) à Lourdes et celui de Grenade sur les traces de Saint Jean de Dieu pour les bénévoles.
  •  La visite canonique du Supérieur Général, Frère Donatus Forkan, en France et dans l’Océan Indien où j’étais son traducteur. D’avoir assuré ensuite comme Secrétaire, un Chapitre provincial et une participation à un Chapitre de la province ouest européenne (Grande Bretagne et Irlande).
  • D’avoir instauré le Volontariat de Solidarité Internationale (V.S.I), le Service Civique international et accompagné plusieurs missions de coopération internationale au sein du bureau des missions de la Province.
  • L’Organisation et l’animation du 25ème anniversaire des « Amis d’Afagnan et de Tanguiéta » avec mon mentor, Dr Jean Vergès, un des piliers de ce bureau.
  •  Les six derniers mois passés à Maurice pour soutenir les Frères Indiens dans la gestion de l’œuvre et ma mise à disposition à l’Accueil de nuit de Marseille pendant le confinement du Covid 19.

Comment voyez-vous l’évolution du Bureau des Missions à l’avenir ?

  • Trouver et former un responsable avec un profil proche de la mission de l’Ordre et qui adhère à 100% au projet hospitalier des Frères qui prendrait le relais.
  • Il serait intéressant d’en faire un service mutualisé avec la Fondation et pouvoir envoyer plus des volontaires habituels, des salariés de la Fondation en coopération via le mécénat de compétences et autres dispositifs.
  • Favoriser des jumelages de centres et maisons SJD avec les pays en voie de développement et de les soutenir serait également une piste intéressante, et enfin d’envisager une meilleure collaboration entre les Bureaux des Missions des provinces européennes et d’ailleurs

Pour conclure, quel message veux-tu laisser aux frères Hospitaliers ?

Pendant ce long compagnonnage et de cheminement avec l’Ordre, j’ai été soutenu par les Frères dans mes diverses missions professionnelles. J’ai toujours tenu un équilibre entre la vie professionnelle, la vie personnelle et l’engagement ecclésial, tout était bien respecté.

Cette aventure personnelle commencée avec les Frères a été également une aventure familiale. Mon épouse Gwénaëlle et ma fille Clémence m’ont toujours suivi et soutenu. Cette dernière, assistante sociale et qui termine sa formation d’art thérapeute à découvert sa vocation lors de ses missions de volontariat à Maurice et à Madagascar dans les œuvres de l’Ordre.

Aujourd’hui, à la veille de mon « départ » à la retraite, je ne peux que remercier du fond du cœur l’Ordre Hospitalier, la Province de France et bon nombre de frères qui m’ont aidé, conseillé, aimé.  Je ne veux pas donner les noms de ceux pour qui j’avais et ai encore beaucoup d’amitié, une proximité, ils se reconnaîtront. Je vous dois beaucoup mes frères, mais on ne s’engage pas à vie et un jour, il faut passer le relais professionnel.

A mon tour maintenant de vous rendre ce que j’ai reçu pendant ces quarante années de compagnonnage. L’engagement peut prendre une autre forme ! L’Église entière est conviée à la mission et cette mission de témoignage de l’hospitalité s’impose à moi naturellement. Tout en restant dans l’état de vie ordinaire, avec mon épouse, nous désirons et espérons, à notre place de laïcs, partager votre « charisme ».  

Mon rêve serait de voir un jour des laïcs s’engager comme associés au sein de l’Ordre. Aujourd’hui beaucoup de laïcs se sentent attirés par l’esprit de telle ou telle Congrégation mais ils ne vont pas y entrer pour autant ni faire de vœux car beaucoup sont déjà mariés ! Donc, tout en restant dans l’état de vie ordinaire, en ayant leur profession, leur conjoint, leur famille, ils désirent, à leur manière de laïcs, partager le « charisme » des religieux/ses. C’est une aventure tout à fait exaltante, et ecclésiale.On est ainsi appelés à faire partie d’une équipe et jamais seul à porter un projet !

Propos recueillis par Aurélie Surget-Roy, responsable de la communication.

Mini bio

L’Institut pour le Développement et le Progrès (IDP) :Promotion 1978 à 1980 – Port-Louis – Education des adultes, développement communautaire, leadership social.

Action Familiale Mauritius : Promotion 1979 à 1980 · Youth Development Coordinator Rose Hill

Université de Fribourg, Suisse : Promotion 1985 à 1990 · Philosophie et Théologie

Université Paris III – Sorbonne Nouvelle Paris : Promotion 1993 à 1996 · Sciences sociales – Diplôme des Hautes Etudes des Pratiques Sociales – D.H.E.P.S

Portrait version anglaise

Four questions to Dominique Soupe

You have been part of the Saint John of God family for over 40 years, could you go back on your journey with them?

My bond with the Order began in adolescence, a period when one questions oneself, one’s future, one’s place in the Church and in society.
I am from Mauritius and I was born in Pamplemousses, a few kilometers from the Saint John of God old age Home. My first meeting with the Brothers was on Rodrigues Island in the Indian Ocean, at the end of the 1970s; I was greeted there by Brother Gérard Christlen.
During this period, I was looking for my vocation and I participated in the volunteer service times for assistance and animation with other young people, which were organized at the Old Age Home for the elderly during weekends and vacations. Brother Olivier was the youth leader. Joint training sessions were offered by the Diocese of Mauritius in which I participated. It was then that I got to know Brother Mathieu. I was also able to participate in the discovery courses with other candidates to the brotherhood in the Saint John of God house on Reunion Island.
At the end of my teenage years, I started working and I choose social support. I have had the opportunity to participate in some community development projects. The most significant was the Terre Rouge Center project, described as a pioneer in the rehabilitation of drug addicts in Mauritius under the responsibility of the then Bishop, Mgr Jean Margéot.
Trained in social leadership and community development in Mauritius, I am engaged as an educator in a diocesan social organization with young people. The objective was to provide young people in Mauritius with training aimed at integral human development. Brother Gérard Christlen, whom I had known in Rodrigues, was part of the team.

After a first experience in the working world and then wishing to live another form of ecclesial and social commitment, I left Mauritius to discover Africa at the beginning of 1980. After reading a book “Brothers of Men” by René Voillaume, I became interested in the integration of his companions following Father Charles de Foucauld in working-class neighborhoods. They try to share the life of simple people through work, housing, friendship, commitment to community life.

I then decided to go to Rwanda to discover the Little Brothers of Charles de Foucauld. Then begins an experience of community life, religious and human training as well as studies of philosophy and theology within the Fraternity of Little Brothers in Tanzania, in France in Saint Maximin, Marseille, Aubagne, Lille and in Friburg in Switzerland. I keep of this experience through the insertions and the relationships that I had, a way of real meetings of people as they are, loved by God, and a way of real meeting of the “human face of God” manifested in Jesus of Nazareth. This experience will last until 1990, when I find the Hospital Order in Paris: a homecoming in a way!

After a period of seasonal work in the Paris region in a summer camp for “disabled young persons” of the Brothers of Saint John of God, I discovered the world of myopaths, infantile cerebral palsy and other young people with various disabilities. Finding again and back the Hospitaller Brothers leads to a job as a social worker. So I joined the educational team at the Center of rue Lecourbe and I also conducted training there in the social sciences at the University of Paris 3, Sorbonne Nouvelle. It was also during this period that I met my wife who was also an employee of this institution. In September 1998, I was offered a proposal to join the Saint Jean de Dieu educational team on Reunion Island. So I joined the Saint François site, a place I already knew. As for my wife, she joins the administrative and educational team of the C.A.T of Saint Denis.

After two years on the island of Reunion, in September 2000, I was led to take responsibility for a new computer-assisted publication (PAO) training unit for young adults disabled in Bruyères le Châtel near Paris in the annex of the Lecourbe Center. This piece of history will last 5 years. In February 2005, the local authorities decided that we should close the annex. So it’s a return to Paris rue Lecourbe.

In November 2005, a new opportunity was offered to me to replace the person in charge of the Newsletter of the French Province Order (Lien Hospitalier) in long-term sick leave at the Provincial Curia which was then located rue Oudinot, Paris, until the arrival of a new communications manager.

Since 2011, I have been in charge for the Office of Missions and International Cooperation of the Province.

What were the highlights of your missions within the Hospitaller Order?

>>> The Organization of the inter-provincial pilgrimage (England – Ireland – France) to Lourdes and that of Grenada in the footsteps of Saint John of God for the volunteers.

>>> The canonical visit of the Superior General, Brother Donatus Forkan, to France and the Indian Ocean where I was his translator. Having then ensured as Secretary, a Provincial Chapter and participation in a Chapter of the Western European province (Great Britain and Ireland).

>>> Having established the International Solidarity Volunteering (V.S.I), the International Civic Service and accompanied several international cooperation missions within the missions office of the Province.

>>> The organization and animation of the 25th anniversary of the “Friends of Afagnan and Tanguiéta” ​​with my mentor, Dr Jean Vergès, one of the pillars of this office.

>>> The last six months spent in Mauritius to support the Indian Brothers in the management of the work and my provision at the Marseille Homeless Home during the lockdown of Covid 19.

How do you see the evolution of the Mission Office in the future?

Find and train a person in charge with a profile close to the mission of the Order and who is 100% committed to the Brothers’ hospitaller project which would take over.

It would be interesting to make it a shared service with the saint John of God Foundation and to be able to send more regular volunteers, co-workers of the Foundation in cooperation via skills sponsorship and other devices.

Encouraging twinning of SJD centers and houses with developing countries and supporting them would also be an interesting avenue, and finally to envisage better collaboration between the Mission Offices of European provinces and elsewhere

To conclude, what message do you want to leave for the Hospitaller Brothers?

During this long companionship and journey with the Order, I was supported by the Brothers in my various professional missions. I have always kept a balance between professional life, personal life and ecclesial commitment, everything was well respected.

This personal adventure started with the Brothers was also a family adventure. My wife Gwen and my daughter Clemence have always followed and supported me. The latter, a social worker and who is finishing her training as an art therapist, discovered her vocation during her volunteer missions in Mauritius and Madagascar in the works of the Order.

Today, on the eve of my retirement, I can only thank from the bottom of my heart the Hospitaller Order, the Province of France and many of the brothers who helped, advised, loved me. I don’t want to give the names of those for whom I had and still have a lot of friendship, a closeness, they will recognize each other. I owe you a lot my brothers, but you don’t make a commitment for life and one day, you have to take over the professional baton.Now it’s my turn to give you back what I have received during these forty years of companionship. Commitments can take another form! The whole Church is invited to the mission and this mission of witnessing hospitality is self-evident. While remaining in the state of ordinary life, with my wife, we wish and hope, in our place of lay people, to share your “charism”.

My dream would be to see lay people, married people one day become
canonical associates within the Order. Today many lay people feel drawn to the spirit of this or that Congregation but they will not enter it nor make vows because many are already married! So, while remaining in the ordinary state of life, having their profession, their spouse, their family, they wish, in their lay way, to share the “charism” of religious men and women. It is a completely exhilarating and ecclesial adventure. We are thus called to be part of a team and never alone to carry a project!

Mini biography:

  • The Institute for Development and Progress (IDP) :Promotion 1978 to 1980 – Port-Louis
  • Adult education, community development, social leadership. Action Familiale Mauritius : Promotion 1979 to 1980 · Youth Development Coordinator · Rose Hill
  • University of Friburg, Switzerland :Promotion 1985 to 1990 · Philosophy and Theology studies
  • University of Paris III – Sorbonne Nouvelle :Promotion 1993 to 1996 · Social Sciences · Paris : Diploma of High Studies of Social Practices – D.H.E.P.S