
Le feu de la charité
- 21 juillet 2020
Ce tableau du Musée des Beaux-Arts de Grenade, qui nous raconte un épisode de la vie de saint Jean de Dieu, est l’une des représentations les plus célèbres du fondateur de l’Ordre hospitalier. Elle mérite qu’on s’y attarde un peu pour la redécouvrir en détails.
L’incendie de l’hôpital royal de Grenade

(Ordre Hospitalier de Saint Jean de Dieu, Paris)
Ce tableau, réalisé en 1880 par Manuel Gómez Moreno, un peintre de Grenade, représente un épisode célèbre de la vie de saint Jean de Dieu : le 3 juillet 1549, alors que l’hôpital royal est en flammes, Jean de Dieu accourt et sauve tous les malades en les portant un à un sur ses épaules. Puis il jette les lits et le matériel par la fenêtre avant d’aider à éteindre le feu. Soudain, l’endroit où il se trouve s’embrase. On le croit mort lorsqu’il jaillit des flammes, sans aucune brûlure[1].
Un parti-pris novateur
Cette histoire avait déjà inspiré de nombreux artistes qui s’étaient attachés à respecter scrupuleusement la description que le premier biographe de saint Jean de Dieu en avait faite. Manuel Gómez Moreno au contraire, n’a pas l’ambition de tout raconter en détails ni même d’être fidèle à la vérité historique. Dans ce tableau, saint Jean de Dieu sort d’un nuage de fumée, portant un vieil homme dans ses bras, accompagné d’un infirme qui prend appui sur lui, suivit d’une femme qui se cache le visage et précédé par un jeune garçon. Seule une partie de l’histoire est donc représentée (le sauvetage des malades) et l’artiste prend des libertés avec les faits historiques puisque le saint ne porte pas ici ses protégés un à un sur ses épaules.
L’hospitalité mise en image

Le peintre recherche la simplicité. Saint Jean de Dieu ne possède ici aucun attribut symbolique : pas de grenade, pas de bâton, pas de panier, ni même une auréole. Seul son habit permet de l’identifier. Si le réalisme semble primer, la symbolique de ce tableau est néanmoins très forte : au-delà de la représentation d’un épisode particulier, Manuel Gómez Moreno décrit ici l’hospitalité de saint Jean de Dieu. Le feu qui se consume derrière lui devient alors le feu brûlant de la charité et les malades qu’il sauve représentent son hospitalité envers tous : vieillard ou enfant, homme ou femme, valide ou infirme. Il descend nous rejoindre, le visage serein et le regard tourné avec confiance vers le ciel d’où il puise sa force.
De père en fils
Ce tableau a été immédiatement exposé au Musée des Beaux-Arts de Grenade où il se trouve toujours aujourd’hui. Quant à Manuel Gómez Moreno, il a transmis son attachement pour saint Jean de Dieu à ses enfants. En effet, son fils ainé Manuel, qui lui a servi de modèle pour la figure du jeune garçon, contribuera aussi à sa manière à une meilleure connaissance de la vie de saint Jean de Dieu en publiant à la fin de sa vie un ouvrage de référence intitulé Prémices historiques de saint Jean de Dieu (Manuel Gómez-Moreno, Primicias históricas de San Juan de Dios, 1950).
Sources :
– Javier Moya Morales, “San Juan de Dios salvando del incendio a los enfermos del hospital real de Granada de Manuel Gómez Moreno Gonzalez”, dans Imágenes de san Juan de Dios, Granada, 1997.
– Juan Miguel Larios Larios, San Juan de Dios, la imagen del Santo de Granada, Granada, 2006.
[1] François de Castro, Saint Jean de Dieu l’ami des pauvres, chapitre XIV.