
Reconstruire la chapelle
- 21 septembre 2020
Si Notre Seigneur veut être mieux logé, il faut qu’il manifeste sa volonté plus clairement ! Telle était la réponse que l’on obtenait, en cette fin de XIXe siècle, de Frère Gaëtan Corriger, supérieur du centre Lecourbe, lorsque que l’on osait lui parler de reconstruire la chapelle. Et il ajoutait : « J’ai vu bâtir cette chapelle. J’aurais peur, en la détruisant, de manquer de pauvreté. »
La chapelle d’un centre qui a bien souffert…
Frère Gaëtan avait passé la quasi-totalité de sa vie religieuse rue Lecourbe et l’avait vue évoluer au fil des années. Il y était arrivé à l’époque où l’établissement n’était encore qu’une petite maison presque en ruine qui accueillait une quarantaine d’enfants. Il avait vu des bâtiments se construire et notamment en 1866 cette fameuse petite chapelle Notre Dame de la Charité. Il avait vu la maison tellement délabrée après la Commune de Paris que l’archevêque avait déclaré en la visitant : « C’est bien, mes Frères, d’aimer la pauvreté, mais ce n’est pas prudent d’en pousser l’amour jusqu’à se faire ensevelir sous des décombres ! »

…. réparé avec les moyens du bord
Lorsqu’il en avait été nommé supérieur en 1871, Frère Gaëtan avait lui-même construit
beaucoup de nouveaux bâtiments mieux adaptés pour accueillir toujours plus d’enfants. Les caisses étant vides, un frère s’était improvisé architecte, récupérant les matériaux issus de la démolition des anciens bâtiments et réquisitionnant les plus valides des enfants pour les travaux de vitrerie et de peinture. La petite chapelle tenait encore debout, mais elle n’avait été prévue que pour 200 personnes alors que le centre ainsi agrandit atteignait l’effectif de 400 enfants.
En attente d’un miracle
Les frères de la communauté tentaient de convaincre leur supérieur et plaisantaient « Si vous espérez qu’un généreux bienfaiteur vous donne cent mille francs pour reconstruire la chapelle, ni vous ni nous ne la verrons ! » Frère Gaëtan ignorait leurs remarques et partait arpenter les couloirs en récitant son rosaire, bien résolu à attendre. Lorsqu’enfin, en 1897, un inconnu se présenta au parloir de la maison et déclara « Je viens construire votre chapelle ! » Il s’appelait Adolphe Démy. Son épouse Clotilde lui ayant fait promettre sur son lit de mort d’employer une partie de sa fortune à la construction d’une église dans les environs de Paris, il s’était adressé à l’archevêque qui lui avait parlé des Frères de la rue Lecourbe.
Reconstruite et rebaptisée

Soulagement pour la communauté et les enfants : la chapelle allait pouvoir être reconstruite. Cette fois-ci, on fit appel à un architecte, Alphonse Richardière, qui rasa la petite chapelle pour en bâtir une plus grande au même emplacement, en prévoyant, comme dans la précédente, des tribunes qui communiquent avec les dortoirs et l’infirmerie afin de permettre aux enfants en fauteuil ou alités d’assister à la messe.
Construite en 300 jours, elle est consacrée le 18 janvier 1898 par l’archevêque de Paris. Selon la volonté de Clotilde, elle est rebaptisée « Sainte Clotilde – Notre Dame de la Charité » et on inscrivit ce nom dans la pierre sur la façade, avec les statues des saints patrons du couple fondateur, saint Adolphe et sainte Clotilde. Mais c’est encore la rosace qui nous raconte le mieux leur histoire : on y voit Adolphe Démy et sa femme Clotilde agenouillée devant lui, offrant une chapelle à saint Jean de Dieu, entouré de deux enfants handicapés. A l’arrière plan, en retrait, derrière le Frère Pie-Marie, le sous-prieur de l’époque, notre bon vieux frère Gaëtan contemple la scène avec un sourire de satisfaction : mission accomplie !
