Saint Jean-Baptiste ou l’héritage florentin de la province de France

Depuis l’origine de l’Ordre, chaque nouvelle province créée est placée sous le vocable d’un saint. La province de France a été placée sous le vocable de saint Jean-Baptiste, témoignant de son lien avec la ville de Florence en Italie.

Arrivée en France

Hôpital Saint Jean de Dieu de Florence, fondé en 1587

C’est en effet de Florence que les tout premiers frères de Saint Jean de Dieu sont arrivés dans notre pays en 1602. Une célèbre Florentine, Marie de Médicis, avait épousé le roi de France Henri IV deux ans auparavant et s’était installée à Paris. Très pieuse et attachée à son pays d’origine, elle avait été très impressionnée par le dévouement des « Frères du dévot Jean de Dieu »[1] auprès des pauvres malades dans leur hôpital de Florence. Ainsi, lorsqu’elle arrive à Paris, elle demande immédiatement à son époux de les inviter, puisque Paris ne possédait à l’époque qu’un seul hôpital, l’hôtel-Dieu, qui s’avérait insuffisant.

Henri IV s’exécute et le Supérieur général de l’Ordre choisit pour cette mission le Père Jean Bonelli, un frère florentin, qui arrive à Paris accompagné de quatre autres frères pour former la première communauté. Autorisation donnée par le roi et l’évêque de Paris de construire un hôpital et de faire la quête, les frères louent un bâtiment juste en face du Louvre et y ouvrent immédiatement leur hôpital, qu’ils placent tout naturellement sous le vocable de saint Jean-Baptiste, saint patron de la ville de Florence, en hommage à leur bienfaitrice Marie de Médicis.

Saint Jean-Baptiste de la Charité

Sceau de l’hôpital Saint Jean-Baptiste de la Charité

Mais à peine commencent-ils leur activité qu’ils sont délogés par Marguerite de Valois, ancienne reine de France, qui exige ce terrain si bien placé et leur donne en échange une propriété à l’angle des actuels rue des Saints-Pères et boulevard Saint-Germain où se trouvent un hôtel en ruines et une petite chapelle. Ce quartier portait le nom de sanitat ou charité, en souvenir du projet de François Ier d’y construire un établissement pour les lépreux et pestiférés[2]. Ce nom déteint rapidement sur l’établissement des frères, qui est donc surnommé hôpital de la Charité.

L’église Saint Jean-Baptiste

Les débuts sont difficiles, mais bien vite les compétences et le dévouement des religieux sont reconnus et l’hôpital s’agrandit pour accueillir plus de malades. La petite chapelle Saint-Pierre est rasée pour y construire une nouvelle église plus vaste, dédiée elle aussi à saint Jean-Baptiste et dont Marie de Médicis pose la première pierre en 1613.

Chapelle Saint Jean-Baptiste de l’hôpital de la Charité de Paris, eau-forte de Jean Marot, 1751
(Ordre Hospitalier de Saint Jean de Dieu, Paris)

Avec la renommée grandissante de l’hôpital et des frères, de jeunes Français se présentent toujours plus nombreux, attirés par l’exemple du Père Jean Bonelli et de ses compagnons et l’hôpital Saint-Jean-Baptiste devient siège du noviciat. Les frères commencent à fonder d’autres hôpitaux en France et en 1639, leur implantation est suffisamment solide dans le pays pour que le Supérieur général de l’Ordre à Rome reconnaisse la province de France, qu’il place bien entendu sous le vocable de Saint Jean-Baptiste.

La province Saint Jean-Baptiste

Cathédrale ukrainienne Saint-Vladimir-le-Grand, dernier vestige de l’Hôpital de la Charité de Paris.
(Wikimedia Commons)

Au XVIIIe siècle, la province saint Jean-Baptiste comptera plus de 40 hôpitaux en France et dans les colonies mais disparaît dans la tourmente révolutionnaire. L’hôpital Saint-Jean-Baptiste est ensuite entièrement rasé en 1935 pour construire la faculté de médecine de Paris, quant à la chapelle Saint-Jean-Baptiste, elle est rebaptisée Saint-Vladimir-le-Grand lorsqu’elle devient cathédrale ukrainienne en 1943.

Mais la dévotion envers saint Jean-Baptiste demeure dans notre province puisque Frère Jean de Dieu de Magallon, lors de la restauration de la province, place la maison de santé de la rue Oudinot, premier établissement fondé à Paris, sous le vocable de sainte Marie et saint Jean-Baptiste. Et lorsqu’enfin il obtient en 1853 la reconnaissance par Rome de la nouvelle province de France, celle-ci est à nouveau placée sous le vocable de saint Jean-Baptiste.

Ainsi, plus de quatre siècles après l’arrivée des frères en France et malgré toutes les vicissitudes de l’histoire, la province de France se souvient de ce lien particulier avec Florence à travers leur saint patron commun.


[1] À cette époque, Jean de Dieu n’était pas encore béatifié.

[2] Jacqueline Martin-Demezil, Le couvent et l’hôpital de la Charité de Paris 1602-1794, Thèse de l’École des Chartes, 1941, p. 3.