
Raconter saint Jean de Dieu en français : Jean de Loyac
- 17 décembre 2021
La première biographie de saint Jean de Dieu, rédigée en espagnol par Francisco de Castro à Grenade, a été publiée en 1585, mais qu’en est-il de la première écrite dans notre langue ?
Faire connaître un nouveau bienheureux
La première vie de saint Jean de Dieu en français, parue en 1619, est bien sûr une traduction de la biographie de Castro. Mais pour qu’un Français s’attèle à la rédaction d’une vie de saint Jean de Dieu, il faut attendre plus longtemps et surtout une occasion spéciale. Cette occasion a lieu en 1630 : il s’agit de la béatification de Jean de Dieu. Lorsque la nouvelle arrive en France en janvier 1631, une cérémonie fastueuse est programmée à Paris pour le 8 mars suivant et une biographie du nouveau bienheureux commandée au Père Jean de Loyac, un prêtre cistercien. Celui-ci doit s’exécuter en un temps record. Ainsi, en quelques semaines, La Vie et les saintes œuvres du bienheureux Jean de Dieu est rédigée et éditée. Mais cet ouvrage, trop court et composé à la hâte, laisse à son auteur une impression d’inachevé.

(Ordre Hospitalier de Saint Jean de Dieu, Paris)

(Ordre Hospitalier de Saint Jean de Dieu, Paris)
Une biographie approfondie pour la Famille hospitalière
Après trente ans d’attente, un nouvel événement majeur qui lui permet enfin de parfaire son œuvre. En effet, en 1660, la reine-mère Anne d’Autriche reçoit une relique du bienheureux Jean de Dieu en gage de paix de la part du roi d’Espagne. La translation de cette relique à la chapelle de l’Hôpital de la Charité est l’occasion d’une nouvelle cérémonie fastueuse et le Père de Loyac est à nouveau sollicité pour la rédaction d’une vie de Jean de Dieu qui racontera aussi en détail le déroulement de cette cérémonie.

(Ordre Hospitalier de Saint Jean de Dieu, Paris)
La nouvelle biographie, intitulée Le Triomphe de la charité en la vie du Bienheureux Jean de Dieu, témoigne bien de ces trente ans d’approfondissement du sujet par son auteur, devenu aumônier et conseiller du roi et aussi proche des frères de saint Jean de Dieu. Nettement plus développée que la première, cette seconde biographie s’attarde également sur la vie intérieure du bienheureux et par des textes ajoutés à la fin de l’ouvrage, sur la manière de visiter les pauvres dans les hôpitaux, l’histoire de l’Ordre, le fonctionnement quotidien des hôpitaux et la manière de confier une œuvre aux religieux, elle fournit les informations nécessaires à toutes les formes d’engagement que le lecteur souhaiterait prendre auprès des frères. Car ce livre d’adresse bien à toute la famille hospitalière : frères, collaborateurs, bénévoles et bienfaiteurs.
Un bonus précieux pour les frères
Pour apporter une touche finale à ses trente années de travail sur la figure de Jean de Dieu, Jean de Loyac publie même l’année suivante, en 1662, un texte réservé aux frères : la seconde partie au Triomphe de la Charité, composée de quarante principes de la vie intérieure de leur fondateur, qu’il a pu dégager au cours de ses recherches : un texte très précieux car unique en son genre sous l’Ancien Régime.
Un auteur de référence pour les siècles suivants
Les deux biographies rédigées par le Père de Loyac, la première en 1631 et la seconde en 1661 ont marqué le début et la fin de sa vie d’écrivain. Son étude approfondie de saint Jean de Dieu comme son expérience concrète auprès des frères et de leurs malades lui ont permis de livrer une œuvre très complète. Il restera d’ailleurs une référence, puisque parmi tous biographes français de saint Jean de Dieu, le Père de Loyac est le seul à avoir été réédité par les frères plusieurs siècles après sa mort : Le Triomphe de la Charité est paru de nouveau en 1883 et les Quarante principes de vie intérieure,
en 1985, après avoir été redécouverts par hasard dans les archives provinciales, soit plus de trois siècles après la première publication.