Frère Jean de Dieu de Magallon et Pauline Jaricot

Depuis leur première rencontre jusqu’à leur mort, le restaurateur de l’Ordre en France et la fondatrice de la Propagation de la Foi seront l’un pour l’autre d’un soutien infaillible.

Pauline Jaricot et sa famille, bienfaiteurs des frères

Frère Jean de Dieu de Magallon rencontre Pauline Jaricot pour la première fois en 1824, alors qu’il vient d’arriver à Lyon avec sa petite communauté et quête auprès des riches familles des alentours. En frappant à la porte de la famille Jaricot, il reçoit un très bon accueil. Après avoir échangé avec lui, Antoine, le père de Pauline, lui apporte son soutien financier et arrive à convaincre d’autres négociants en soie de faire de même, ce qui permet aux Frères de Saint Jean de Dieu d’acquérir une maison à la Guillotière, pour accueillir les malades mentaux et les libérer ainsi des prisons.

A cette époque, Pauline a à peine 25 ans et a déjà fondé l’œuvre de la Propagation de la Foi pour venir en aide aux missionnaires. Ecoutant la conversation de ce religieux avec son père, elle restera très marquée par cette rencontre et soutiendra financièrement, elle aussi, l’œuvre des Frères de Saint Jean de Dieu. En 1828, Frère Jean de Dieu de Magallon inscrit d’ailleurs la famille Jaricot dans le registre des affiliés à l’Ordre avec la mention des bienfaits reçus de leur part : « emprunts, mobilier, hospitalité, conseils et piété rare ».

Promouvoir le Rosaire vivant

Tableau de section du Rosaire Vivant, 1839
(Ordre Hospitalier de Saint Jean de Dieu, Paris)

Après l’œuvre de la Propagation de la Foi, Pauline crée le Rosaire Vivant à la fin de l’année 1826, pour encourager la récitation du Rosaire par groupes. Echangeant régulièrement avec la jeune fondatrice, le Père de Magallon est l’un des premiers informés de cette nouvelle initiative qu’il introduit immédiatement auprès de ses religieux. Si les Frères de Saint Jean de Dieu sont déjà tenus par leurs Constitutions de réciter un chapelet entier par jour, peu importe, il ajoute une dizaine supplémentaire à ce chapelet quotidien pour le Rosaire Vivant[1]. Cet usage, mentionné dès la première édition du manuel de prières des Frères de Saint Jean de Dieu en 1845, a d’ailleurs perduré pendant près d’un siècle et demi.

Mais le Père de Magallon veut faire encore plus pour aider Pauline à promouvoir le Rosaire Vivant. Invité au chapitre général de l’Ordre à Rome en 1828, il décide d’arriver quelques jours avant pour en parler au cardinal Odescalchi. Ce dernier s’en déclare alors le protecteur et le propagateur spécial et encourage le Père de Magallon dans son projet de le présenter aussi au pape. Ainsi, durant l’audience particulière accordée par Léon XII aux Frères de Saint Jean de Dieu à la fin de leur chapitre, le religieux, muni d’un tableau de section du Rosaire Vivant, profite de l’occasion pour en expliquer le principe au Saint Père. Celui-ci écoute avec bienveillance ces explications et charge le frère de transmettre sa bénédiction à Pauline et à toute la famille Jaricot. Ce qu’il ne manque pas de faire !

Une dévotion partagée à sainte Philomène

En 1834, le Père de Magallon, revenant du chapitre général à Rome, trouve sa bienfaitrice Pauline malade. Il lui offre alors une relique de sainte Philomène rapportée de son voyage et lui transmet sa dévotion pour cette martyre romaine dont la tombe a été mise à jour quelques décennies auparavant. Pauline, très reconnaissante, s’empresse d’organiser une neuvaine de prière à sainte Philomène, à laquelle participera notamment saint Jean-Marie Vianney, curé d’Ars. Suite à cela, Pauline guérit miraculeusement et conserve une dévotion particulière à sainte Philomène. Plus tard, cette relique est passée au curé d’Ars, alors qu’une autre, provenant de ce même voyage à Rome de 1834, est toujours conservée par les Frères de Saint Jean de Dieu.

Frère Jean de Dieu de Magallon, bienfaiteur de Pauline

Quelques années plus tard, en 1849, Pauline se trouve en grande difficulté financière, couverte de dettes pour avoir tenté de créer une œuvre pour le soutien des pauvres de la classe ouvrière. A cette époque, le Père de Magallon projetait de partir quêter en Allemagne pour ses œuvres. Une fois de plus, il apporte son aide à Pauline en prenant avec lui pour ce long voyage Julia Maurin, une compagne de Pauline, qu’il introduit auprès de ses bienfaiteurs d’Outre-Rhin en essayant de les convaincre de soutenir aussi l’œuvre de Pauline. Malheureusement, ceux-ci se montrent toujours beaucoup moins généreux avec Julia Maurin qu’avec lui. Déçu pour Pauline et soucieux de sa situation, il lui fait alors plusieurs dons importants au nom de l’Ordre en 1851 pour tenter de l’aider à payer les dettes de son œuvre des ouvriers, mais ses efforts ne suffiront pas.

Par la suite, les deux grandes figures resteront en contact et tous deux mourront à Lyon à seulement trois ans d’intervalle, Frère Jean de Dieu en 1859 et Pauline Jaricot, en 1862. Ils laisseront derrière eux un héritage inestimable, l’exemple de leur vie, qui inspirera les générations suivantes à poursuivre et développer les œuvres qu’ils ont initiées.


[1] Frère Corentin Cousson, « Marie-Pauline Jaricot et le R.P. de Magallon, une collaboration peu connue », Lien Hospitalier, juillet-octobre 1962.